Les chats, les baleines et les colères

  

    Il y avait des chats qui prenaient leur douche sous les gouttières que le déluge de la veille avait rendues généreuses. 


   Certaines gouttes avaient décidé d'y couler encore quelques secondes simples et discrètes, mais les félins, sans doute mus par un instinct de chasse, s'étaient flanqués sous les regards de descente, à l'affût des derniers filets.


   Je pensais encore à toutes ces baleines, déployées pour l'occasion, si bravement dressées contre les éléments, et déjà échouées sur des grèves minuscules, lisses et sans relief, carrées ou rectangles, loin des regards de compassion.


   Je pensais à ces hexagones à bas prix, fragiles et chamarrés, qui s'étaient retournés à la première bourrasque, obligeant leurs propriétaires à s'improviser en gymnastes d'expérience.


   Je pensais à ces chats trempés, nettoyés de toute espèce de gangrène, décidés à reprendre leurs domestiques habitudes avec une touchante bonhomie. 


   Et j'examinais, depuis l'immense baie vitrée qui donnait sur mon quotidien, les colères de tous ces infortunés piétons impuissants à sauver leurs baleines.  Éparpillées sans élégance sur le goudron, encore chaudes, elles avaient pris la forme d'yeux de chats.



Juin 2024




Le boeuf et la mer =>

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