Une femme VII
Il faudra attendre le petit matin pour qu'une touchante cacophonie vous surprenne, celle d'un invraisemblable déploiement de cigognes blanches, venues saluer les habitants encore hébétés par des craquettements tout à fait charmeurs, mêlés d'arabesques empreintes de grâce et d'à-propos. Plutôt que de vous abasourdir du phénomène, vous y chercherez un message particulier, un symbole quelconque, un indice qui vous aurait aidés à compléter votre analyse de la plus sibylline des apparitions que la bourgade n’ait jamais connues.
Nous n'avons pas quitté le livre. Nous nous sommes émus de l'histoire de cette femme, dont nous avons aimé les mille visages, suivi les multiples chemins, compris les innombrables gestes, déchiffré les signaux, interprété les mots. Mais nous n'en dirons pas davantage, par respect pour l'auteur, et pour ne pas ébranler votre quête de sens, de savoir, votre envie de rêver.
Bientôt le village aura retrouvé sa quiétude de naguère, la surenchère végétale aura disparu, ainsi que les fleurs du chêne, ainsi que les traces du cheval. Vous sortirez, ivres de joie, convaincus qu'il va se passer quelque chose, mais incapables d'en fournir la raison. Vous nous croiserez, le livre dans une main, le guidon dans l'autre, un sourire au cœur. Vous fixerez à nouveau le livre, dont vous aurez l'impression de connaître le titre. Et pour cause : un jour un œil vous a vus y pénétrer.
Nous montons jusqu'au beffroi, où nous posons les vélos. De là, nous contemplons le pays, sage avec ses colombages restaurés, ses chaumes immortels, ses champs prêts au labeur. Au-dessus des torchis, sous les toits, les rubans d'iris, bavards, racontent une tradition que nous ne connaissons guère. Des indolents, aux fenêtres, se placent pour compléter le dessin. Sur les pacages à l'entour, cent vaches à peu près, blanches et brunes à peu près, nous ignorent à peu près. À notre gauche, un limaçon qui dort, accroché à un luminaire. À notre droite, un jeune chien crépu qui dort. Et de gros nuages au loin, qui profèrent une menace inaudible. Quelques pigeons, conventionnels, dodelinent du chef. Leurs roucoulades répétées marient invariablement le fa et le do. Nous penchons la tête pour comparer le gastéropode à ceux que nous conservons. Son air cabochard nous déplaît, aussi nous nous en détournons rapidement.
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